Les bijoux de style Art Déco étaient les stars des années 1920 et 1930, mais sont aujourd’hui redécouverts par les grandes maisons de couture. Saurez-vous reconnaître une bague ou un collier Art Déco ? Voici un petit guide des bijoux des Années folles ♦
Les bijoux qui étaient à la mode il y a un siècle sont toujours à la mode aujourd’hui. Les bijoux de cette époque étaient scintillants, décadents et en même temps déchirants. Les motifs géométriques, l’accent mis sur les formes épurées, les couleurs souvent unies, avec un style à la fois architectural et classique, ont fait des bijoux Art Déco des pièces intemporelles. Et non seulement les originaux, fabriqués à cette époque par les grandes maisons de couture, sont populaires, mais ce style est une source constante d’inspiration pour les créateurs contemporains.

Pourquoi l’Art Déco connaît-il un tel succès aujourd’hui ? Prenons un peu de recul : dans le monde de la joaillerie, les années 1920 et 1930 furent une époque de génie et d’innovation frénétiques, d’ingéniosité étonnante. De grands maîtres joailliers tels que Cartier, Boucheron, Van Cleef & Arpels, Mauboussin ou Lacloche s’inspirent de l’énergie créatrice qui règne à Paris entre les deux guerres. C’était une période de rupture avec l’ère classique tranquille de la Belle Époque. Dans les années 1920, la joaillerie découvre de nouveaux motifs ornementaux, des matériaux inhabituels, ainsi que des couleurs, des formes et des mouvements qui bousculent les conventions. Ils ont introduit des nuances et des textures innovantes, mais aussi l’utilisation surprenante de la pièce monochrome. Imagination libre Cette interprétation du design de bijoux reflète la nouvelle liberté que les femmes ont acquise après la fin de la Première Guerre mondiale. Parallèlement à leurs corsets, les inhibitions et les restrictions ont été réduites à cette époque : elles pouvaient travailler, conduire, boire de l’alcool et fumer en public. Ils ont commencé à voyager seuls, à faire du sport et à danser le Charleston. Leurs vêtements et leurs bijoux ont simplement suivi le rythme de la nouvelle vie.

Tel un cocktail pétillant, les bijoux des années 1920 étaient un mélange enivrant d’inspirations et d’influences. Un pont entre la stylisation des Ballets Russes qui faisaient vibrer Paris et l’effervescence de l’ère du jazz : la vitesse, la course, le rythme de la machine, le cubisme, l’art africain, l’exotisme oriental. Ces influences se sont également répercutées sur les créations de luxe et de design. Un style qui finira par entrer dans l’histoire sous le nom d’Art Déco, après l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes de Paris en 1925. Le rôle de Cartier Ce style a une évolution lente. Elle a également été façonnée par le travail de Cartier, qui vers 1910 a commencé une plus grande stylisation des motifs floraux, avec des compositions composées de petites pierres précieuses sculptées. Comme la série connue sous le nom de Tutti-frutti, une émeute d’émeraudes, de perles, de rubis et de saphirs.
Ces bijoux sont aujourd’hui parmi les plus recherchés, grâce aux caractéristiques les plus typiques des pièces Art Déco de Cartier. Peut-être que tout le monde ne sait pas, entre autres, que l’idée de ce design a été influencée par les bijoux indiens, grâce à la relation de Cartier avec un maharajah venu à Paris pour créer des bijoux traditionnels de son pays, mais revisités dans un style moderne. La juxtaposition du bleu et du vert, inspirée de l’émail traditionnel indien, et de techniques telles que la sculpture de bijoux, ont joué un rôle essentiel dans le développement des bijoux Art Déco de Cartier.

Ce style est toujours populaire aujourd’hui. Un bracelet Tutti-frutti de Cartier vendu pour 1,4 million de dollars chez Sotheby’s. Mais l’exemple le plus célèbre de ce style est le Collier Hindou, créé par Cartier en 1936 pour Daisy Fellowes, héritière de la société de machines à coudre Singer et collectionneuse obsessionnelle de bijoux. En 1926 et 1928, Daisy Fellowes elle-même a commandé à Van Cleef & Arpels une paire de bracelets (ou bracelets de cheville) d’inspiration indienne : ils ont été conçus comme une bande profonde de diamants disposés selon un motif géométrique, rappelant un tapis persan, avec une frange luxuriante de gouttes d’émeraude.

Nouvelles tailles et exotisme A cette époque, les pierres sont souvent taillées en petits carrés ou en rectangles oblongs, sertis selon un dessin élégant, avec des moulures, des arrondis ou des cabochons. Comme dans les célèbres bracelets frises de style égyptien d’Arpels, où les scènes sont conçues avec des pierres colorées impeccablement taillées. Cartier lui-même n’était pas à l’abri de la veine égyptienne, qui faisait partie du climat d’exotisme qui s’est propagé aux créations d’inspiration persane, chinoise et japonaise, qui a commencé au début du XXe siècle. Dans certains cas, les bijoux Cartier ont même utilisé et incorporé des fragments d’antiquités anciennes, comme des scarabées ou des amulettes égyptiennes. De cet exotisme sont également issues les combinaisons de couleurs audacieuses, qui sont une caractéristique frappante des bijoux Art Déco : le mélange de bleus et de verts, de saphirs avec des émeraudes, de turquoise avec du lapis, le contraste du corail et de l’onyx, ou encore du corail avec des émeraudes, des diamants et de l’onyx.

Vive le monochrome Au milieu des années 1920, cependant, un changement de rythme arrive, une ambiance alternative, avec des couleurs monochromes et des compositions en noir et blanc. En 1925, Tiffany proposa une bague avec une surface en onyx, des segments noirs et des diamants. Un schéma qui a été privilégié par le grand talent de la styliste Suzanne Belperron, dans son travail avec Bernard Herz. Belperron incarnait en quelque sorte la nouvelle femme des années 1920 et 1930. Ses bijoux, comme toutes les plus belles pièces Art Déco, étaient en dehors de la mode du moment, qui avait adopté des formes adaptées à la nouvelle silhouette féminine, c’est-à-dire des robes moins conçues pour la « courbe en S » de la femme édouardienne. À cette époque, on proposait plutôt des vêtements à la ligne épurée, de forme cylindrique, tubulaire, courte et sans manches. Peut-être avec des franges, des perles ou des paillettes pour la danse, tandis que les coiffures vont à la garçonne, avec une coupe courte, qui met en valeur de longues boucles d’oreilles.

Changer d’horizon La conception des bijoux des années 1920 et 1930 était généralement verticale. Les broches avaient de longues épingles, le jabot ou cliquet à deux têtes, porté peut-être dans un coin inhabituel de la robe, sur la ceinture, sur les chapeaux cloche, près du décolleté. Et les colliers étaient généralement des sautoirs, c’est-à-dire de longs rangs de perles lâches, souvent avec un nœud sensuel à la fin. Pour les grandes héritières et mondaines comme Daisy Fellowes, Mrs Harrison Williams ou Barbara Hutton, ces bijoux fabuleusement modernes et audacieux faisaient partie de leur personnalité. Pourtant, ce qui était alors des créations audacieuses sont devenues des classiques.
